La pension alimentaire pour enfants, souvent demandée de façon prospective, peut également faire l’objet d’une rétroaction sous certaines conditions.
Le législateur québécois a effectivement prévu ce qui suit à l’article 595 alinéa 1 du Code civil du Québec :
595. On peut réclamer, pour un enfant, des aliments pour des besoins existant avant la demande; on ne peut cependant les exiger au-delà de trois ans, sauf si le parent débiteur a eu un comportement répréhensible envers l’autre parent ou l’enfant[1].
À la lecture de cet article, il faut donc distinguer deux (2) situations :
1) lorsque la pension alimentaire est demandée pour une période comprise dans les trois (3) années précédant la demande;
2) lorsque la pension alimentaire est plutôt demandée pour une période excédant les trois (3) années précédant de la demande.
Dans la première situation, la demande de pension alimentaire rétroactive est faite de plein droit, sans égard à la démonstration d’un comportement répréhensible de la part du parent débiteur[2]. En l’espèce, il ne faut toutefois pas conclure que les tribunaux feront automatiquement suite à la demande du parent créancier[3]. En effet, toujours faut-il considérer les impacts potentiels qui découleraient du fait que l’on oblige un parent à payer jusqu’à trois (3) ans de pension alimentaire à l’autre, et ce, d’un seul coup. Voici quelques exemples de situations où le tribunal pourrait en venir à la conclusion qu’il n’est pas opportun de prononcer la rétroactivité de la pension alimentaire :
i) Le parent débiteur a déjà des obligations alimentaires à l’égard d’enfants qui ne sont pas visés par la demande et le fait de lui imposer une pension alimentaire rétroactive lui causerait des difficultés excessives[4];
ii) Le parent débiteur a déjà des obligations alimentaires à l’égard d’autres personnes que des enfants et le fait de lui imposer une pension alimentaire rétroactive lui causerait des difficultés excessives[5];
iii) La rétroactivité ne profite pas directement à l’enfant et cause au parent débiteur des difficultés importantes, ce qui serait notamment le cas dans l’éventualité où ce dernier ne serait plus en mesure de recevoir son enfant de façon convenable dans le cadre d’une garde partagée ou de droits d’accès[6].
Dans la deuxième situation, soit celle où la pension alimentaire est demandée pour une période excédant les trois (3) années précédant la demande, la preuve d’un comportement répréhensible de la part du parent débiteur est nécessaire. La notion de « comportement répréhensible » peut être définie comme étant « tout acte du parent débiteur qui tend à faire passer ses intérêts avant le droit de l’enfant à une pension alimentaire d’un montant approprié »[7]. À titre d’exemple, le parent qui omet de dévoiler son retour sur le marché du travail ou encore celui qui cache des revenus pourrait donc être considéré comme ayant adopté un comportement répréhensible[8]. Il serait alors susceptible de devoir payer une pension alimentaire rétroactive pour une période excédant les trois (3) années qui précédent la demande de l’autre parent.
Dans tous les cas, le parent débiteur peut invoquer la renonciation claire et non équivoque aux aliments formulée par le parent créancier afin de repousser une demande de pension alimentaire rétroactive[9].
Gabriel Roussin-Léveillée, étudiant en droit
Juriseo Avocats
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[1] Code civil du Québec, RLRQ, c. CCQ-1990 (ci-après « C.c.Q. »), art. 595.
[2] Droit de la famille – 16598, 2016 QCCA 464, par. 27.
[3] Droit de la famille – 172503, 2017 QCCS 4869, par. 29.
[4] Art. 587(2) C.c.Q.
[5] Art. 587(3) C.c.Q.
[6] Id.; Droit de la famille — 181905, 2018 QCCS 3838.
[7] Droit de la famille — 19265, 2019 QCCS 648, par. 68.
[8] Droit de la famille – 152285, 2015 QCCA 1508; Droit de la famille – 16867, 2016 QCCS 1706.
[9] Droit de la famille — 19982, 2019 QCCA 930, par. 33.