La liberté de presse constitue une assise fondamentale du droit à la liberté d’expression, droit protégé par les chartes des droits et libertés. Cependant, même cette liberté connaît des limites, notamment lorsque la réputation d’un individu est en jeu. La cause Duplessis c. Dallaire en est un bon exemple.
Dans cette cause datant de mai dernier, la Cour Supérieure a en effet ordonné au journal en ligne LaMetropole.com et son éditeur en chef de verser des dommages de 35 000$ à Josée Duplessis pour avoir tenu des propos diffamatoires à son endroit, en plus d’ordonner à ce que l’article en question soit retiré du Web et à ce que les hyperliens s’y rapportant soient rompus.
La série d’évènements ayant mené à ce jugement débute en 2012, alors que Josée Duplessis, infirmière de profession, est accusée de voies de fait à l’endroit de sa mère de 80 ans, qui souffre d’Alzheimer et habite dans un centre d’hébergement. Suite à un procès de trois jours, où témoignent plusieurs employés du centre d’hébergement en question, Mme Duplessis est acquittée de tous les chefs d’accusation.
Le journal en ligne LaMetropole.com, ayant suivi le cours des événement, publie un article rédigé par la journaliste Martine Dallaire, qui rapporte la décision de façon assez particulière. En effet, le titre et le premier paragraphe de l’article en question se lisent ainsi :
« UNE INFIRMIÈRE BAT SA MÈRE ET S’EN TIRE
Une femme ayant agressé sa mère à de multiples reprises alors qu’elle lui rendait visite au centre d’hébergement, la Résidence Haut-Bois de Sherbrooke où elle résidait a réussi à convaincre un juge de l’acquitter en raison de la théorie du doute raisonnable tel que prescrit au Code criminel. Cette affaire s’est passée en Estrie alors qu’une femme de 56 ans, Josée Duplessis, une ancienne infirmière, a réussi à se faire acquitter d’accusation de voies de faits graves envers sa mère en alléguant, lors de son témoignage, que tous les témoins de la Couronne avaient menti. » [sic]
L’article laissant sous-entendre que Mme Duplessis est coupable de voies de fait malgré la décision du juge, celle-ci entreprend une poursuite en diffamation à l’encontre à la fois de l’auteur de l’article, du journal l’ayant publié et du dirigeant et éditeur en chef du journal, Stéphane Mastropolo. Elle réclame des dommages moraux de 30 000$ en plus de 70 000$ en dommages exemplaires.
En rendant son jugement, la Cour affirme que les propos tenus dans l’article sont inexacts et grossièrement mensongers, ce qui a pour effet d’induire le lecteur en erreur et de déconsidérer la réputation de Mme Duplessis.
La Cour renchérit en tenant les propos suivants :
[64] Il n’est pas acceptable qu’un média, une fois un acquittement prononcé par un tribunal après la tenue d’un procès, livre à son tour son jugement et condamne sur la place publique l’accusé aux infractions reprochées.
[65] Considérant ce qui précède, le Tribunal est d’avis que Mastropolo et La Métropole ne se sont pas comportés en personne prudente, diligente et raisonnable et doivent répondre des dommages qu’ils ont causés en raison de la publication de l’article P-2 qui est erroné et diffamatoire.
Au final, le tribunal ne retiendra pas la responsabilité de l’auteur de l’article, celle-ci n’ayant eu aucun contrôle sur la version finale du texte. Par ailleurs, cette version finale s’éloignait de beaucoup de la version proposée par Mme Dallaire, qui portait le titre suivant :
« Une femme accusée de voies de faits sur sa mère de 82 ans, atteinte d’Alzheimer, est acquittée malgré les témoignages des employés de la résidence où elle demeurait » [sic]
La responsabilité du journal LaMetropole.com et de son éditeur en chef est cependant retenue, et ceux-ci sont tenus de verser la somme de 25 000$ en dommages moraux et de 10 000$ en dommages punitifs à la demanderesse, en plus de devoir retirer la publication du site qu’ils exploitent et de rompre tous les liens y menant.
La décision est disponible ici.
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