Il arrive parfois qu’au moment du paiement d’un bien ou d’un service, un commerçant charge un frais fixe aux clients qui acquittent leur facture au moyen d’une carte de débit ou crédit. Cette pratique relativement courante est pourtant illégale.
En effet, l’article 224 de la Loi sur la protection du consommateur stipule ce qui suit :
« 224. Aucun commerçant, fabricant ou publicitaire ne peut, par quelque moyen que ce soit:
[…]
c) exiger pour un bien ou un service un prix supérieur à celui qui est annoncé. »[1]
Lorsqu’un commerçant charge un frais fixe pour l’utilisation d’une carte de débit ou crédit, il contrevient donc à la Loi en ce sens qu’il exige un prix supérieur à celui qui est annoncé.
Mais au fond, le fait pour un commerçant d’offrir la possibilité d’acquitter une facture par le biais d’une carte n’est-il pas un service complètement distinct du service ou du bien qui fait l’objet du paiement, de sorte qu’il serait possible de charger un frais? Une pizzeria pourrait-elle, par exemple, plaider que les frais de 0,75 $ exigés pour le paiement par carte suivant la fourniture d’un repas constituent l’obtention d’un service distinct de celui de l’obtention dudit repas?
La cour supérieure du Québec a répondu par la négative à cette question dans l’affaire Stratos Pizzeria (1992) inc. c. Galarneau en stipulant que le fait pour un commerçant d’offrir la possibilité de payer par carte constitue une modalité de paiement et non un service à part entière[2]. En conséquence, l’honorable Jacques Blanchard, juge à la Cour supérieure, mentionne ce qui suit au paragraphe 43 de son jugement:
« [43] Il ne saurait y avoir deux contrats successifs […] soit l’obtention d’un bien (repas) et l’obtention d’un service (modalité de paiement par Interac). »[3]
Le Tribunal en vient donc à la conclusion que le consommateur acquiert seulement un bien (le repas) dans de telles circonstances et que le fait de charger un frais en lien avec le paiement par carte a pour effet d’exiger un prix supérieur à celui annoncé[4], ce qui contrevient à l’article 224 de la Loi sur la protection du consommateur[5] susmentionné.
Le fait pour un commerçant de porter à l’intention du consommateur qu’il entend lui charger un frais supplémentaire s’il paie par carte n’a par ailleurs pas pour effet de rendre la pratique davantage légale[6].
Dans tous les cas, il est important de retenir qu’un commerçant ne peut imposer des frais supplémentaires en raison du fait que le client paie au moyen d’une carte de crédit et/ou de débit.
Gabriel Roussin-Léveillée, étudiant en droit
Juriseo Avocats
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[1] Loi sur la protection du consommateur, RLRQ, c. P-40.1 (ci-après « L.P.C. »), art. 224.
[2] Stratos Pizzeria (1992) inc. c. Galarneau, 2015 QCCS 2353, par. 38.
[3] Id., par. 43.
[4] Id., par. 44 et 46.
[5] Article 224 L.P.C.
[6] Stratos Pizzeria (1992) inc. c. Galarneau, préc., note 2, par. 45.