Les parents, à défaut d’un jugement à l’effet contraire, sont titulaires respectivement des responsabilités décisionnelles relatives à leur enfant. Ainsi, les parents doivent, de concert, décider ensemble de toutes les questions importantes concernant leur enfant, notamment, en ce qui touche aux soins de santé, à l’éducation, à la religion, au lieu de résidence, au choix d’école et au bien-être de l’enfant.
Lorsque les parents ne s’entendent pas sur une question touchant la responsabilité décisionnelle concernant leur enfant, elles doivent saisir les tribunaux pour qu’un juge analyse la question et se prononce sur l’option qui répond le mieux au meilleur intérêt de l’enfant.
Dans ce contexte, les tribunaux doivent, chaque année, trancher sur des questions relatives au choix d’école d’un enfant. Vous l’aurez compris, il s’agit d’une décision délicate à trancher et qui demande une analyse exhaustive de la situation de l’enfant et de l’impact de la fréquentation d’une école versus une autre école.
Évidemment, les tribunaux, afin de décider laquelle des écoles souhaitées par les parents répond le mieux au meilleur intérêt de l’enfant, vont analyser, certains critères1, notamment, les suivants :
a) Les besoins de l’enfant;
Les tribunaux prennent en compte les besoins spécifiques de l’enfant, qu’ils soient liés à des difficultés d’apprentissage, à des besoins particuliers ou encore à des considérations culturelles ou religieuses. L’école choisie doit être en mesure de répondre à ces besoins.
b) La stabilité de l’enfant;
Si l’enfant a été inscrit dans une école et a développé des relations solides avec ses camarades, changer d’école pourrait perturber cette stabilité. Les tribunaux tiendront compte du lien affectif de l’enfant avec son environnement scolaire pour éviter de causer une rupture émotionnelle qui pourrait nuire à son bien-être.
c) La fréquentation antérieure de l’école et de la garderie;
Les tribunaux vont privilégier que l’enfant reste dans le même milieu de vie. Ainsi, lorsqu’un enfant fréquente une garderie, les tribunaux considèreront le choix d’école à proximité, afin que l’enfant demeure dans un environnement connu, avec des intervenants connus et avec des amis connus.
Par exemple, un enfant qui a été inscrit dans une garderie associée à une école primaire pourrait bénéficier de la continuité et d’une transition en douceur vers cette école. Le tribunal pourrait favoriser cet environnement familier.
d) L’effet du choix sur les modalités de garde existante;
Les tribunaux vont généralement privilégier le choix d’école qui permettra de respecter les modalités de garde déjà en place.
En effet, si l’inscription de l’enfant à une école souhaitée par un parent avait comme effet de modifier le temps parental existant, alors que le choix d’école de l’autre parent permettrait le maintien des mêmes modalités du temps parental, les tribunaux privilégieraient l’école qui permettra de maintenir les mêmes modalités du temps parental.
e) Les déplacements liés à la fréquentation de l’école;
La proximité de l’école par rapport au domicile des parents peut aussi être un facteur pris en compte.
Par exemple, un trajet de plus de 45 minutes pour se rendre à l’école pourrait nuire à la qualité de vie de l’enfant, ce dernier devant se lever très tôt le matin et devant revenir très tard le soir. Le Tribunal pourrait privilégier une école plus proche pour éviter cet inconvénient.
À cet effet, il est important de noter que les tribunaux ne vont pas considérer les avantages et les inconvénients que cause un choix d’école pour les parents. Les tribunaux se placeront dans la perspective de l’enfant. À titre d’exemple, si un parent se base sur le fait qu’une école lui incomberait beaucoup plus de temps de déplacement, les tribunaux ne considéreront pas ce fait comme déterminant dans la décision, sauf s’il impacte négativement l’enfant.
f) La fréquentation scolaire par un autre membre de la famille, de la famille élargie ou d’amis;
Si un autre membre de la famille ou un ami proche de l’enfant fréquente déjà la même école, cela pourrait influencer la décision du tribunal. Cette proximité familiale peut être un facteur favorisant la continuité dans le choix de l’école.
g) L’implication antérieure de chacun des parents avec le milieu scolaire de l’enfant;
Les juges prennent en compte l’engagement des parents dans le choix de l’école, leur capacité à soutenir leur enfant dans ses études, ainsi que leur disponibilité à répondre aux besoins des enfants en cas d’urgence et à le soutenir.
Un parent plus impliqué pourrait favoriser une école où il se sent déjà à l’aise et où il peut soutenir son enfant de manière plus directe.
h) L’horaire de chacun des parents;
Si un parent a un horaire de travail flexible, tandis que l’autre a un horaire plus rigide, cela pourrait influencer la décision du tribunal. Par exemple, un parent avec un horaire flexible pourrait être mieux placé pour s’adapter à l’horaire scolaire de l’enfant, alors que l’autre pourrait rencontrer des difficultés à concilier ses obligations professionnelles avec les horaires scolaires.
Si un parent a un emploi qui lui permet facilement d’ajuster ses horaires pour déposer ou récupérer l’enfant à l’école, tandis que l’autre parent travaille pendant des heures fixes, cela pourrait être un facteur important dans le choix de l’école. Un parent ayant moins de flexibilité pourrait ne pas être en mesure de récupérer l’enfant en cas d’urgence ou de maladie.
i) La durée du temps passé au service de garde;
Si un enfant doit passer beaucoup de temps dans un service de garde après l’école, le tribunal pourrait considérer la qualité et la proximité de l’école par rapport au service de garde. Par exemple, une école proche du domicile de l’un des parents pourrait permettre à l’enfant de passer moins de temps à attendre et de réduire la fatigue liée à une longue journée scolaire.
j) Le désir de l’enfant, dans la mesure où ce dernier est assez mature
À partir de douze ans, un enfant est considéré comme assez mature pour exprimer son désir. Sauf s’il considère que le désir exprimé par l’enfant ne répond pas à son meilleur intérêt, le tribunal respectera le désir qu’exprime l’enfant sur le choix d’école.
Dans ce contexte, il est recommandé de nommer un avocat à l’enfant. En effet, l’enfant pourra nommer son désir à une personne neutre, ce qui évitera de l’impliquer directement dans le litige et maximisera les chances de ne pas placer l’enfant au cœur d’un conflit de loyauté.
Conclusion
Finalement, il est important de nommer qu’aucun de ces critères ne sont cumulatifs ni n’ont préséance. Ce qui signifie qu’il n’y a pas de critères plus importants qu’un autre et le choix d’une école n’a pas à répondre à tous les critères de manière exhaustive.
Les tribunaux évaluent chacun des critères dans le but de choisir l’école qui répond mieux l’intérêt de l’enfant, selon la balance des probabilités. Il faut donc que le tribunal, après avoir considéré tous les critères dans leur ensemble, soit convaincu à raison de 50% +1 que l’école demandée est dans le meilleur intérêt de l’enfant.
Si vous vous trouvez dans une situation semblable, n’hésitez pas à appeler l’un des avocats pratiquants en droit de la famille pour vous informer de vos droits et des recours à votre disposition.
[1] DROIT DE LA FAMILLE – 182944, 2018 QCCS 4896
Écrit par Me Audrey Éthier