Le commerce électronique, en plein essor depuis quelques années, a gagné encore davantage de terrain dans les derniers mois en raison de la pandémie de COVID-19. Le résultat a été une hausse significative du nombre de paquets expédiés, menant certains transporteurs à accumuler les retards de livraison ainsi que les pertes de colis. Une telle conjoncture peut indéniablement mener à se poser la question suivante : le transporteur qui égare un paquet est-il responsable vis-à-vis de l’expéditeur? La réponse à cette question est truffée de particularités.
Tout d’abord, il faut savoir que l’article 2049 du Code civil du Québec[1] impose aux transporteurs de délivrer le bien jusqu’à destination, sans quoi leur responsabilité est engagée. Seules quelques situations exceptionnelles leur permettent de se délier de cette obligation[2].
Cependant, la majorité des transporteurs, si ce n’est la totalité, viennent limiter leur responsabilité en faisant signer une clause d’exonération aux expéditeurs. Normalement, cette limitation s’astreint à une indemnisation d’un montant de 100,00 $ en cas de perte ou de vol du colis. Il faut noter qu’une telle façon de faire est illégale en présence d’un contrat de consommation puisque l’article 10 de la Loi sur le protection du consommateur[3] rend sans effet la clause de limitation insérée dans ce type de relation contractuelle[4]. Plus souvent qu’autrement, une telle clause ne sera donc pas valable lorsqu’elle est signée par un particulier dans un contexte personnel alors qu’elle le sera si elle est signée par une entreprise ou au nom d’une entreprise. La nature de l’expéditeur est conséquemment d’une importance capitale en la matière.
Là encore, même si une clause d’exonération s’insère validement dans un contrat, l’expéditeur peut toujours être dédommagé par le transporteur s’il est en mesure de démontrer que la perte du colis résulte d’une faute lourde de la part de ce dernier[5]. Il faut ici mentionner que le simple fait de perdre un colis n’équivaut pas à une faute lourde[6]. Encore faut-il que le transporteur ait démontré « une insouciance, une imprudence ou une négligence grossières »[7].
Dans tous les cas, l’article 40(1) de la Loi sur la société canadienne des postes[8] vient créer un régime d’exception à l’égard de Postes Canada en stipulant que cette dernière n’encoure pas sa responsabilité lorsqu’elle perd un colis. Il n’est donc pas possible de poursuivre la société d’État sur cette base, sauf exceptions[9].
Somme toute, il est donc possible d’introduire une demande en justice contre un transporteur autre que Postes Canada à la suite de la perte d’un colis, mais le fait qu’une clause d’exonération soit normalement insérée dans le contrat de transport a pour effet d’augmenter significativement le fardeau de la preuve puisque le demandeur doit alors démontrer la faute lourde de l’entreprise avec laquelle il a contracté.
Dernier élément à noter : le vol de colis survenu après la livraison est soumis à un régime différent de la perte de colis et fera l’objet d’un article ultérieur.
Gabriel Roussin-Léveillée, étudiant en droit
Juriseo Avocats
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[1] Code civil du Québec, RLRQ, c. CCQ-1990 (ci-après « C.c.Q. »), art. 2049.
[2] Art. 2049 C.c.Q. : la force majeure, le vice propre du bien et la freinte normale permettent aux transporteurs de s’exonérer.
[3] Loi sur la protection du consommateur, RLRQ, c. P-40.1, art. 10.
[4] Larouche c. Transport Labrecque inc., 1999 CanLII 20517 (QC CQ), par. 15.
[5] Art. 1474(1) C.c.Q.
[6] Société d’assurances générales Northbridge c. UPS Canada, 2017 QCCQ 9428, par. 57.
[7] C.c.Q., préc., note 1, art. 1474(1) C.c.Q.
[8] Loi sur la société canadienne des postes, LRC 1985, c. C-10, art. 10.
[9] Voir notamment Gaudreau c. Ombudsman Postes Canada, 2016 QCCQ 9119 : le fait de ne pas informer le client de la possibilité d’assurer son colis est un manquement au devoir d’information et a pour effet d’engager la responsabilité de Postes Canada.