Les tribunaux reconnaissent à l’acquéreur d’une propriété a le choix d’exercer son recours contre son propre vendeur et/ou contre un vendeur antérieur[1]. Il s’agit du cas notamment lorsque l’acheteur n’est pas en mesure de prendre un recours contre son propre vendeur parce qu’il est soit introuvable, insolvable ou encore non tenu à l’obligation de garantie. Dans une telle situation par exemple, l’acquéreur peut donc prendre son recours directement contre les vendeurs antérieurs[2] et choisir de ne pas poursuivre celui qui lui a vendu la propriété.
Par contre, l’acquéreur qui choisit d’intenter un recours direct contre un vendeur antérieur doit démontrer que son droit de poursuivre existait pour chacun des acquéreurs subséquents:
Lorsque le sous-acquéreur exerce un recours direct contre un vendeur antérieur, sans mettre en cause ou poursuivre son vendeur ou tout vendeur intermédiaire, il doit démontrer que le droit de poursuivre le vendeur antérieur existait pour chaque acquéreur subséquent de l’immeuble. Le sous-acquéreur doit prouver que la garantie accessoire à l’immeuble ne s’est pas éteinte à travers la chaîne de titres et qu’il est toujours en droit d’en réclamer le bénéfice aujourd’hui[3].
Compagnie d’assurance ING du Canada c. Gervain, [2008] Q.C.C.Q. 7152.
Il faut donc garder en tête que le demandeur dans un recours en vice caché contre un vendeur antérieur doit être en mesure de remonter sa chaîne de titres jusqu’à son vendeur antérieur en établissant l’existence de son droit d’action à chacune des transactions inscrites au registre foncier entre la sienne et celui de son vendeur antérieur. En d’autres termes, le vice caché doit d’une part avoir été présent au moment de chacune des ventes dont les vendeurs sont impliqués et, d’autre part, il ne doit pas y avoir d’exclusion à la garantie légale de qualité.
Par conséquent, le demandeur ne peut prétendre avoir plus de droits que les vendeurs antérieurs. Or, lorsqu’un vendeur antérieur a expressément renoncé à la garantie légale contre les vices cachés, l’acquéreur ne peut poursuivre pour tout vice existant avant cette date.
Le recours du sous-acquéreur directement contre un vendeur antérieur est donc possible dans la mesure où il obéit aux conditions d’exercice du recours en vices cachés pour chacune des ventes concernées par son recours. Le seul fait d’avoir été propriétaire antérieur ne crée pas en soi un lien de droit entre les parties. Il doit y avoir preuve que la garantie légale contre les vices cachés a été transmise à tous les vendeurs dans le temps et que le vice caché au sens du Code civil du Québec existait au moment de chaque vente[4] : ce vice devant être également (i) grave, (ii) inconnu de l’acheteur et (iii) non apparent.
Lorsque le sous-acquéreur exerce un recours direct contre un vendeur antérieur sans mettre en cause ou poursuivre son propre vendeur, il doit démontrer que le droit de poursuivre le vendeur antérieur existait pour chaque acquéreur subséquent de l’immeuble. Il doit prouver que la garantie accessoire à l’immeuble ne s’est pas éteinte à travers la chaîne de titres et qu’il est toujours en droit d’en réclamer le bénéfice[5].
Le recours contre un vendeur antérieur peut complexifier la preuve qui doit être offerte au tribunal bien que ce recours offre certains avantages. Les ventes subséquentes réalisées avec garantie légale à la suite d’une vente faite sans garantie légale n’ont pas pour effet de faire revivre le recours fondé sur les vices cachés contre les acquéreurs postérieurs.
En présence d’une renonciation à la garantie légale contre les vices cachés dans la chaîne de titres, il convient d’être prudent, étant donné que les ventes subséquentes à cette renonciation n’ont pas pour effet de faire revivre un recours en vices cachés en faveur des acquéreurs postérieurs pour le vice qui existait au moment de ladite renonciation à la garantie légale de qualité.
Me Michaël Lévesque, avocat
JURISEO AVOCATS, Terrebonne (Québec)
mlevesque@juriseo.ca
[1] Entreprises Pelletier & Garon (Toitures inc.) c. Agropur Coopérative, [2010] Q.C.C.A. 244; Compagnie d’assurance ING du Canada c. Gervain, [2008] Q.C.C.Q. 7152; Hay c. Jacques, [1999] R.J.Q. 2318 (C.A.);
[2] Hay c. Jacques, [1999] R.J.Q. 2318 (C.A.)
[3] Compagnie d’assurance ING du Canada c. Gervain, 2008] Q.C.C.Q. 7152.
[4] Morier c. Beauchesne, 2015 Q.C.C.Q. 288.
[5] Légère c. 131666 Canada inc., 2012 Q.C.C.S. 1850.