Mieux vaut ne pas ruiner les funérailles de son frère en y diffusant une vidéo détaillant les infidélités dont il aurait été victime de la part de sa veuve endeuillée : une Lavalloise vient de l’apprendre en étant condamnée à verser 45 000 $ à sa belle-sœur qu’elle a diffamée.
La sœur vengeresse avait enregistré une conversation téléphonique entre les deux époux dans les dernières semaines de vie du mari, atteint d’un cancer. Alors que sa sœur était présente dans sa chambre d’hôpital, le malade confrontait son épouse à un « récit précis » de ses « prétendues infidélités », selon la justice.
Elle ne savait pas que la conversation était filmée. Le jugement ne précise pas si le mari, lui, le savait.
La diffusion de l’enregistrement devant la centaine de personnes « présentes au repas des funérailles a causé scandale, étonnement et humiliation de Madame et de ses enfants devant les membres de la communauté arménienne », a relaté le juge Pierre Journet, de la Cour supérieure, dans sa décision rendue le 13 décembre.
Les obsèques se sont très mal terminées : « […] les convives ont quitté les lieux choqués de la situation et même certains insultant Madame », indique le jugement.
Sa belle-sœur n’a jamais exprimé de remords ou de regrets, toujours selon la décision, continuant à soutenir que son comportement n’avait pas causé de tort à la veuve ou à ses enfants.
« AGRESSION TRÈS GRAVE »
Ce n’est pas l’avis du juge Pierre Journet, qui a sévèrement critiqué ses actions.
« La diffusion de l’enregistrement illégal de la conversation privée des époux est non seulement reprochable, mais constitue un acte de méchanceté inadmissible qui doit être sanctionné », a-t-il écrit, reprenant à son compte l’avis d’un expert qualifiant ce comportement d’« agression très grave ».
La décision trace un bilan sombre de ces funérailles catastrophiques : l’épouse endeuillée « a été démolie » et les enfants du couple « ont souffert d’un stress, d’anxiété et d’un trouble psychologique important ».
D’où les importants dommages accordés à la veuve : 45 000 $ en tout, dont 20 000 $ « en tant que titulaire de l’autorité parentale des enfants » du couple.
Une partie de cette somme a été accordée à titre de dommages exemplaires, qui visent à punir l’auteur d’une faute.
L’avocat de l’épouse endeuillée et sa cliente n’ont pas voulu formuler de commentaires « parce que la décision susmentionnée n’est pas encore définitive, compte tenu [du fait] que le délai d’appel expire le 12 janvier 2017 », a écrit Me Igor Dogaru.
L’avocat de la belle-sœur fautive n’avait pas rappelé La Presse au moment de publier.
UN TESTAMENT ANNULÉ
Le conflit entre les deux femmes touchait aussi le testament du défunt.
C’est que trois semaines avant sa mort, le malade avait déshérité sa femme au profit de sa sœur dans un nouveau testament rédigé par la notaire Pascale Corbin. Il soupçonnait sa femme de le tromper.
Au procès, la notaire et la sœur du défunt se sont entendues sur le fait que celui-ci souhaitait voir ses filles mineures hériter de ses biens, sans toutefois que son épouse puisse en bénéficier. Mais les enfants ne sont pas mentionnées au testament.
Dans sa décision, le juge Pierre Journet annule le testament et décide donc que c’est l’épouse endeuillée qui héritera, « pour cause d’erreur et d’omission de la notaire ».
L’homme « de langue et de culture étrangères » voulait que ses enfants obtiennent ses biens et cette volonté n’a pas été traduite dans le testament rédigé par Me Corbin, déplore le juge. « S’il avait réalisé la teneur de [son] testament tel que rédigé, il ne l’aurait pas signé puisqu’il ne reflétait pas ses dernières volontés », lit-on dans la décision.