Le délai de congé, souvent confondu avec l’avis de cessation d’emploi prévu à l’article 82 de la Loi sur les normes du travail[1], est pourtant une notion bien distincte que tous les travailleurs et employeurs devraient connaître.
Il s’agit du « délai que l’employeur ou l’employé doit observer entre l’avis de cessation du contrat de travail et sa terminaison effective »[2] et a principalement deux (2) objectifs :
1) Si l’employé démissionne, le délai congé permet à l’employeur de lui trouver un remplaçant. Durant le délai de congé, la personne démissionnaire devra ainsi continuer d’honorer son contrat de travail.
2) Si l’employé se fait congédier, le délai congé permet à ce dernier de trouver un autre emploi aux caractéristiques semblables. L’employeur aura alors le choix de le laisser travailler durant le délai de congé ou encore de lui verser une indemnité équivalente à ce délai en fonction de son salaire.
Il faut ici noter que l’employé démissionnaire qui se fait ensuite congédier aura tout de même droit à un délai de congé. Dans une telle situation, l’employeur ne peut effectivement décider de renoncer au délai de congé[3].
Durée raisonnable
L’article 2091 du Code civil du Québec[4] mentionne que le délai de congé doit être d’une durée raisonnable.
Mais qu’est-ce qu’une durée « raisonnable »? Il s’agit essentiellement d’une question factuelle qui devra notamment être déterminée à l’aide des facteurs suivants[5] :
-Nature et importance de la fonction;
-Abandon d’un autre emploi pour acquérir l’emploi en question;
-Âge;
-Nombre d’années de service et d’expérience de l’employé;
-Facilité ou difficulté de se retrouver une occupation identique ou similaire;
-Recherche subséquente d’un travail;
-Existence ou inexistence d’un motif sérieux au congédiement.
Le délai de congé est donc une obligation largement plus grande que celle prévue à l’article 82 de la Loi sur les normes du travail[6], qui ne s’adresse qu’à l’employeur et qui prévoit la remise d’un avis écrit en cas de congédiement selon un barème de temps prédéterminé. À titre d’exemple, la Loi prévoit la remise de l’avis une semaine avant la cessation d’emploi si le salarié possède moins d’un (1) an d’ancienneté[7] alors que le délai de congé en vertu du Code civil du Québec pourrait être plus important.
Afin d’avoir une idée plus claire, voici quelques exemples de délais de congés accordés dans la jurisprudence :
Le prévoir à l’avance : possible ou non?
Le délai de congé peut être prévu selon des modalités précises négociées entre l’employeur et l’employé au début de la relation de travail. Toutefois, ledit contrat ne prive pas l’employé de son recours en vertu de l’article 2091 du Code civil du Québec si la durée prévue contractuellement ne peut être qualifiée de « raisonnable »[8].
Inapplicabilité dans certaines circonstances
Contrat de travail à durée déterminée
L’article 2091 du Code civil du Québec[9] spécifie explicitement que le délai de congé est applicable seulement dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée, soit lorsque celui-ci ne prévoit aucune date de fin d’emploi.
Toutefois, la jurisprudence a reconnue son applicabilité aux contrats à durée indéterminée qui sont renouvelés successivement[10].
Employés syndiqués
Dans l’arrêt Isidore Garon ltée c. Tremblay; Fillion et Frères (1976) inc. c. Syndicat national des employés de garage du Québec inc.[11], la Cour suprême du Canada a jugé que le délai de congé ne s’appliquait pas aux employés syndiqués, et ce, principalement pour trois (3) raisons :
I. « Les conditions de travail des employés syndiqués sont négociées collectivement par le syndicat et l’employeur, alors que le préavis prévu par le [Code civil du Québec] est convenu de façon individualisée lors de la cessation d’emploi »[12].
II. « Le délai de congé dû à l’employé dans le contexte d’un contrat individuel de travail est lié au droit de l’employeur de congédier un employé, alors que ce droit de l’employeur est limité par la convention collective dans le régime collectif »[13].
III. « L’historique de la disposition fait voir que le législateur n’a pas voulu rendre applicables au régime collectif toutes les règles relatives au contrat individuel de travail »[14].
Un travailleur qui n’entre pas dans l’une de ces catégories pourra donc normalement bénéficier d’un délai de congé, un avantage au bas mot intéressant pour les employés victimes d’un licenciement.
Gabriel Roussin-Léveillée, étudiant en droit
Juriseo Avocats
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[1] Loi sur les normes du travail, RLRQ, c. N-1.1, art. 82.
[2] Hubert REID, Dictionnaire de droit québécois et canadien, 5e éd., Montréal, Wilson & Lafleur, 2015.
[3] Asphalte Desjardins inc. c. Commission des normes du travail, 2013 QCCA 484.
[4] Code civil du Québec, RLRQ, c. CCQ-1991, art. 2091.
[5] Standard Broadcasting Corporation c. Stewart, [1994] RJQ 1751 (C.A.).
[6] Préc., note 1.
[7] Id.
[8] Préc., note 4; Jean-Pierre BRIÈRE, Fernand MORIN, Dominic ROUX et Jean-Pierre VILLAGGI, Le droit de l’emploi au Québec, 4e éd., Montréal, Wilson & Lafleur, 2010, par. II-171.
[9] Préc., note 4.
[10] Atwater Badminton and Squash Club Inc. c. Morgan, 2014 QCCA 998.
[11] Isidore Garon ltée c. Tremblay; Fillion et Frères (1976) inc. c. Syndicat national des employés de garage du Québec inc., 2006 CSC 2.
[12] Id, par. 9.
[13] Id.
[14] Id.