Avant de rentrer dans le vif du sujet, il convient de jeter un coup d’œil au libellé de l’article 121 de la Loi constitutionnelle de 1867[1], qui réglemente le commerce interprovincial :
121. Tous articles du crû, de la provenance ou manufacture d’aucune des provinces seront, à dater de l’union, admis en franchise dans chacune des autres provinces.
À première vue, cette disposition peut sembler établir une liberté commerciale absolue entre les provinces canadiennes.
Or, il appert de l’article 2 du Règlement sur la possession et le transport au Québec de boissons alcooliques acquises dans une autre province ou un territoire du Canada[2] que les Québécois peuvent rapporter les quantités suivantes d’alcool en provenance des autres provinces :
Faut-il pour autant en déduire que l’article 2 du Règlement[3] contrevient à la Constitution, donc que les Québécois peuvent rapporter la quantité d’alcool qu’ils veulent des autres provinces?
Dans le récent arrêt R. c. Comeau[4], la Cour suprême du Canada s’est penchée sur une question similaire relativement à la législation néo-brunswickoise.
Dans cette affaire, un homme a reçu une amende de 240$ pour avoir ramené de grandes quantités d’alcool du Québec puisque l’eau de vie était moins dispendieuse dans cette dernière province que chez lui, au Nouveau-Brunswick[5]. Il avait ainsi contrevenu à l’article 43 c) de la Loi sur la réglementation des alcools[6].
Il a contesté cette amende jusque devant le plus haut tribunal du pays, affirmant qu’elle contrevenait à l’article 121 de la Loi constitutionnelle de 1867[7].
En revanche, après une analyse historique, législative et constitutionnelle de l’article 121[8], la Cour suprême du Canada a jugé que cette disposition n’avait pas pour effet d’empêcher toute entrave à la circulation de biens entre les provinces canadiennes[9].
En effet, selon la plus haute instance canadienne, une loi peut avoir comme effet accessoire de limiter le libre-échange interprovincial, en autant qu’il n’en soit pas de son essence et de son objet[10].
Bien que dans le dossier en question, la loi néo-brunswickoise a comme essence d’entraver la libre circulation interprovinciale[11], les juges majoritaires sont d’avis qu’il ne s’agit pas de son objet, qui est plutôt de « permettre la supervision par des entités publiques de la production, de la circulation, de la vente et de l’utilisation de l’alcool au Nouveau-Brunswick »[12].
La Loi est donc jugée constitutionnelle, tout comme la limite d’alcool pouvant être rapportée des autres provinces[13] et il en serait vraisemblablement de même pour la législation québécoise.
Dans ce contexte, il faut savoir qu’il existe des limites aux quantités d’alcool que les Canadiens peuvent transporter entre les différentes provinces et qu’il serait opportun de faire les vérifications nécessaires avant de traverser le pays avec de la boisson en sa possession.
Gabriel Roussin-Léveillée, étudiant en droit
Juriseo Avocats
227, boul. des Braves, suite 201
Terrebonne (Québec) J6W 3H6
www.juriseo.ca | 1-877-826-6080
[1] Loi constitutionnelle de 1867, 30 & 31 Victoria, c. 3 (ci-après « L.C. 1982 »), art. 121.
[2] Règlement sur la possession et le transport au Québec de boissons alcooliques acquises dans une autre province ou un territoire du Canada, RLRQ, c. S-13, r. 6.1, art. 2.
[3] Id.
[4] R. c. Comeau, 2018 CSC 15.
[5] Id., par. 11.
[6] Loi sur la réglementation des alcools, LRN-B 1973, c. L-10, art. 43 c).
[7] R. c. Comeau, préc., note 4, par. 12; Préc., note 1.
[8] Préc., note 1.
[9] R. c. Comeau, préc., note 4, par. 89.
[10] Id., par. 107.
[11] Id., par. 121.
[12] Id., par. 124.
[13] Id., par. 127.