La réponse à la question posée en en-tête se trouve à l’article 18.2 de la Charte des droits et libertés de la personne[1] qui se lit comme suit:
18.2. Nul ne peut congédier, refuser d’embaucher ou autrement pénaliser dans le cadre de son emploi une personne du seul fait qu’elle a été déclarée coupable d’une infraction pénale ou criminelle, si cette infraction n’a aucun lien avec l’emploi ou si cette personne en a obtenu le pardon.
Il découle de cet article qu’un employeur ne peut congédier un travailleur simplement sur la base du fait qu’il ait été déclaré coupable d’une infraction pénale ou criminelle. Cette protection n’est toutefois pas sans limite.
En se basant sur les termes mêmes de l’article 18.2 de la Charte, la Cour suprême du Canada rappelle dans l’arrêt Maksteel[2] qu’un employeur est justifié de congédier un employé reconnu coupable dans deux circonstances, à savoir:
1) lorsqu’il y a un lien entre l’infraction et l’emploi et qu’un pardon n’a pas été obtenu; et
2) lorsque l’employé incarcéré est congédié en raison de son indisponibilité[3].
Ainsi, un camionneur condamné pour alcool au volant n’ayant pas obtenu le pardon pourrait légitimement être mis à pied puisque le lien entre l’emploi et l’infraction est évident. Il en serait de même pour une personne qui ne peut se présenter au travail puisqu’elle doit purger une peine d’emprisonnement d’une certaine durée en continu.
À l’inverse, si la déclaration de culpabilité n’a aucun lien avec l’emploi et qu’elle n’entraîne pas d’indisponibilité, l’employeur ne peut en aucun cas procéder à un renvoi.
Dans une décision récente[4], le Tribunal d’arbitrage a justement eu à se pencher sur le congédiement d’un ouvrier certifié d’entretien pour la commission scolaire Crie qui a été renvoyé à la suite d’une arrestation pour conduite avec facultés affaiblies.
Dans cette affaire, les parties ne contestent pas le fait qu’il n’y ait aucun lien entre l’emploi et l’infraction[5]. Ce qui est jeu est plutôt l’indisponibilité du travailleur. Selon la commission scolaire Crie, l’ouvrier a été congédié puisqu’il n’était pas disponible[6]. Or, l’arbitre Joelle L’Heureux retient que la lettre de congédiement est datée du 5 avril 2018, soit seulement une journée ouvrable avant le retour au travail prévu de l’employé.
Pour cette raison, elle conclut que le congédiement n’est pas lié à l’indisponibilité du travailleur, mais plutôt au fait qu’il ait été reconnu coupable d’une infraction criminelle[7]. Le Tribunal annule donc le congédiement et ordonne à la commission scolaire de réintégrer l’ouvrier dans l’équipe.
Il faut donc retenir que la majorité des travailleurs ne peuvent pas être congédiés en raison d’une déclaration de culpabilité pour alcool au volant puisque leur emploi n’est pas lié à l’infraction et que ce n’est qu’en cas de récidive qu’une peine de prison sera imposée. Pour une première condamnation, l’indisponibilité n’est donc pas un facteur qui entre en jeu.
Gabriel Roussin-Léveillée, étudiant en droit
Juriseo Avocats
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Terrebonne (Québec) J6W 3H6
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[1] Charte des droits et libertés de la personne, RLRQ, c. C-12, art. 18.2.
[2] Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Maksteel Québec inc., 2003 CSC 68.
[3] Id, par. 22.
[4] Association des employés du Nord québécois et Commission scolaire Crie (Jack Katapatuk), 2019 QCTA 414.
[5] Id, par. 3.
[6] Id, par. 11.
[7] Id, par. 41.