Auparavant, lorsque les salariés n’avaient pas de droits réels vis-à-vis de leur employeur, ces derniers pouvaient exiger n’importe quoi de leurs employés. Les salariés ne pouvaient pas refuser, au risque de se faire congédier et de ne pas trouver de travail. Ainsi, avec l’avènement des syndicats, du Code du travail et de la Charte des droits et libertés de la personne (ci-après Charte), les salariés ont vu naître leurs droits et on pu les faire respecter auprès de leur patron.
En effet, l’art. 1, l’art. 4, l’art. 5 et l’art. 9 de la Charte des droits et libertés du Québec énoncent les quatre droits fondamentaux de tout être humain, soit : le droit à l’intégrité, le droit à la sauvegarde de sa dignité, de son honneur, de sa réputation, le droit au secret professionnel et le droit au respect de la vie privée1. Ces droits doivent être respectés et ils viennent limiter les pouvoirs des employeurs et limitent leur « droit » d’exiger des rapports médicaux de leurs employés2.
Ainsi, la question que plusieurs se posent est la suivante : quand votre employeur a-t-il le droit d’exiger de vous un bilan médical ? Le texte suivant visera à éclaircir cette question.
L’examen médical pré-emploi
Tout d’abord, il peut parfois arriver que préalablement à votre embauche, il vous soit exigé de faire un examen médical. Habituellement, ce genre de rapport est demandé lorsque votre employeur veut évaluer votre capacité à exécuter certaines tâches reliées à l’emploi3. Cependant, l’employeur doit toujours s’assurer de respecter la Charte pour pouvoir exiger un examen médical4.
Ainsi, l’art. 18.1 de la Charte des droits et libertés de la personne et droit de la jeunesse mentionne que « Nul ne peut, dans un formulaire de demande d’emploi ou lors d’une entrevue relative à un emploi, requérir d’une personne des renseignements sur les motifs visés dans l’article 10 »5. De plus, l’art. 10 de la Charte précise que « La race, la couleur, le sexe, l’identité ou l’expression de genre, la grossesse, l’orientation sexuelle, l’état civil, l’âge sauf dans la mesure prévue par la loi, la religion, les convictions politiques, la langue, l’origine ethnique ou nationale, la condition sociale, le handicap ou l’utilisation d’un moyen pour pallier ce handicap »6. La loi est donc claire et prévoit que lors de l’embauche, tous les facteurs mentionnés à l’art. 10 de la Charte ne peuvent pas être décisifs pour choisir un futur employé.
Par conséquent, il existe un barème que l’employeur doit respecter pour que la consultation médicale soit conforme7. Il doit poser des questions précises et ciblées sur l’emploi et le poste pour lequel la personne applique8. En soi, l’examen ne doit vérifier que si la personne qui applique pour un poste possède les aptitudes raisonnables pour effectuer le travail et non sonder la vie privée de la personne et ses problèmes personnels9. En bref, l’employeur peut demander un examen médical pré-embauche, mais doit toutefois rester vigilant à ne pas dépasser les limites des droits de la personne et doit s’assurer que les questions qu’il pose sur la capacité physique de l’individu sont en lien direct avec les tâches qu’il effectuera10.
Examen médical obligatoire durant le travail
Ensuite, il est aussi important d’expliquer les droits qui entoure l’examen médical pour les employés qui travaillent déjà pour l’entreprise. L’arrêt de la Cour Rio Tinto Alcan inc. c. UNIFOR, local 230111, vient éclairer ce sujet. En effet, la Cour se prononce et exprime que les employeurs sont en droit d’exiger de leurs employés des bilans médicaux pour obtenir des renseignements, mais seulement dans le cas où la convention collective le prévoit et que cela n’outrepasse pas le droit à la vie privée de l’individu12.
Lorsque l’on vous embauche pour un poste, l’employeur vous fait généralement signer un contrat de travail qui comporte certaines modalités, droits et obligations13. Les principes qui sont à la base de la formation du contrat permettent à tout un chacun d’exiger librement ces conditions14. Ainsi, un employeur est en droit de mentionner dans les termes du contrat de travail des résultats d’examens médicaux de votre part dans le cadre du travail précis que vous exécutez15. Plusieurs lois viennent cependant baliser cela comme la Loi sur la santé et sécurité au travail, la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles et le Code civil du Québec16. En effet, ces lois viennent préciser que l’employeur a l’obligation de s’assurer du bon état de santé de ses employés17. Il peut et doit être certain que ses employés sont, au niveau de leur santé générale, capable d’exécuter leur travail sans risque. De plus, l’employeur est aussi en droit d’exiger un rapport médical en cas d’absentéisme récurrent18. De ce fait, la Cour a rendu une décision dans l’arrêt Syndicat des travailleuses et travailleurs des centres d’hébergement du Grand Montréal, qui confirmait la décision d’un employeur de congédier son employée, car elle ne voulait pas se soumettre au test médical demandé19.
Les examens médicaux à l’emploi, la finalité ?
Finalement, il faut se rappeler qu’autant l’employeur que l’employé a des droits. L’employeur doit s’assurer de ne pas outrepasser les limites des droits fondamentaux de l’individu lorsqu’il exige un bilan et un rapport médical. Il doit s’assurer que les questions sont en lien avec le poste et s’assurer que le droit d’exiger des examens médicaux est mentionné dans le contrat de travail. De son côté, l’employé doit passer l’examen exigé quand son employeur le requiert pour des motifs raisonnables où pour vérifier son état de santé.
Si vous souhaitez en savoir plus sur les spécificités du contrat de travail et ses exigences, consultez notre article sur les différences fondamentales entre le contrat de travail et le contrat de service.
Audrey-Ann Trudeau, étudiante en droit
Juriseo Avocats
227, boul. des Braves, suite 201
Terrebonne (Québec) J6W 3H6
www.juriseo.ca | 1-877-826-6080
- 1Charte des droits et libertés de la personne du Québec, RLRQ, c. C-12, art. 1, art. 4, art. 5, art. 9
- 2Michel A. Goulet et Vincent Allard, « Un employeur peut-il exiger un examen médical de son employé? », (2020), en ligne : Réseau juridique du Québec < .avocat.qc.ca/affaires/iiexamen-med.htm >.
- 3Daniel Carpentier, « Les examens médicaux en emploi », (1998), en ligne : Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse < https://www.cdpdj.qc.ca/storage/app/media/publications/examens_medical.pdf >.
- 4Annie Thériault-Gravel, « Démystifier les examens médicaux pré-emploi : jusqu’où un employeur peut-il aller? », (2019), en ligne : Lambert Ressources Humaines < lambert-rh.com/actualite-fevrier-2019/demystifier-examens-medicaux-pre-emploi-jusqu-employeur-peut-il-aller >.
- 5Carpentier, supra note 3.
- 6Charte, supra note 1, art. 10.
- 7Thériault-Gravel, supra note 4.
- 8Ibid.
- 9Ibid.
- 10Ibid.
- 11Unifor Local 2301 v. Rio Tinto Alcan Inc., 2017 BCCA 300.
- 12Ibid.
- 13Goulet, supra note 2.
- 14Carpentier, supra note 3.
- 15Ibid.
- 16Charles Wagner, « Refus de se soumettre à un examen médical : congédiement? », (2013), en ligne : Carrefour RH < https://carrefourrh.org/ressources/relations-travail/2013/02/refus-de-se-soumettre-a-un-examen-medical-congediement >.
- 17Ibid.
- 18Ibid.
- 19Syndicat des travailleuses et travailleurs des centres d’hébergement du Grand Montréal (CSN ) c. Résidence Navarro, S.E.C., 2008 QCCRT 485.