Alors que plusieurs entreprises font face à une crise économique sans précédent… tout administrateur d’une société par actions doit savoir qu’il est solidairement responsable des dettes fiscales de ladite société notamment les DAS/TPS/TVQ.[1].
En effet, la règle veut que les administrateurs d’une société faillie soient solidaires pour les dettes fiscales de la société[2] et conséquemment, ils peuvent être tenus personnellement responsables desdites dettes fiscales[3].
La raison est fort simple, toute personne qui déduit, retient ou perçoit un montant quelconque en vertu d’une loi fiscale est réputée le détenir en fiducie pour l’État, séparé de son patrimoine et de ses propres fonds, et en vue de le verser à l’État selon les modalités et dans les délais prévus par une loi fiscale[4].
« Le devoir fiduciaire de l’administrateur d’une société mandataire vis-à-vis les autorités fiscales s’accentue dès qu’arrivent des difficultés sérieuses de trésorerie.[5] »
Toutefois, tout administrateur averti doit savoir que « cette solidarité ne s’applique pas à un administrateur qui a agi avec un degré de soin, de diligence et d’habileté raisonnables dans les circonstances ou qui, dans ces mêmes circonstances, n’a pu avoir connaissance de l’omission visée par cet article ou qu’elle n’a pas été imposée deux ans suivant la date ou l’administrateur a cessé d’occuper ses fonctions[6]. »
Mais qu’est-ce qu’un administrateur « qui a agi avec un degré de soin, de diligence et d’habileté raisonnables dans les circonstances » ?
D’abord, la Cour d’appel du Québec dans l’affaire Gilbert[7] a confirmé que « le degré de soin, de diligence et d’habileté exigé de l’administrateur ne dépend pas de ses compétences, connaissances et aptitudes personnelles[8] ».
Pour ce faire, la Cour analysera de manière objective l’omission de l’administrateur de remettre à l’Agence du revenu du Québec, les taxes et déductions à la source en tenant compte du contexte dans lequel se trouvait l’administrateur au moment de l’omission. [9]
Donc, « la norme de diligence attendue de l’administrateur ne varie pas selon ses caractéristiques personnelles; il faut comparer sa conduite à celle d’un administrateur raisonnablement prudent et diligent, tout en tenant compte du contexte existant au moment des omissions de la société[10]. »
Cet « examen de la conduite objective de l’administrateur commence lorsqu’il lui devient évident, agissant raisonnablement, avec le soin, la diligence et la compétence requise, que la société entame une période de difficultés financières. »[11]
De plus, il incombe à l’administrateur qui invoque la défense de diligence raisonnable[12] de démontrer par une preuve prépondérante qu’il a agi avec un degré de soin, diligence et habileté raisonnable dans les circonstances ou qu’il n’a pu avoir connaissance de l’omission visée[13].
De ce qui précède, il ressort de la jurisprudence que pour faire droit à la défense de diligence raisonnable l’administrateur doit minimalement démontrer, qu’il s’est préoccupé des versements fiscaux de la société et qu’il a pris des mesures concrètes pour prévenir les défauts de versement.[14]
Autrement dit, l’administrateur diligent doit[15] :
- S’informer ;
- Mettre en place des mécanismes de contrôle fiables pour prévenir les omissions fiscales ;
- Participer à ces mécanismes, que cela soit pour superviser, enquêter ou y apporter des correctifs ;
- Mettre fin aux activités de l’entreprise ou démissionner lorsqu’il n’a plus d’attente raisonnable que la poursuite des activités permette de prévenir une omission fiscale.
Pour conclure, un administrateur peut être tenu solidairement responsable des dettes fiscales de la société et le contexte est fondamental dans l’évaluation de la conduite diligente.
Comme nous sommes en temps de crise sanitaire sans précédent et comme chaque cas est un cas d’espèce de devant d’être étudié à la lumière des faits, il serait important de consulter un avocat avant la faillite pour connaître vos droits.
[1] Art. 323 Loi sur la taxe d’accise, L.R.C. 1985, c. E-15, art. 227.1 Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, c. 1 (5e suppl.), art. 154 Loi sur les sociétés par actions RLRQ, c. S-31.1, art. 119 Loi canadienne sur les sociétés par actions L.R.C. 1985, c. C-44, art. 323 et l’art. 323.2 Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, RLRQ c A-3.001 ;
[2] Art. 24.0.1 LAF ;
[3] Art. 24.0.1 al.1 (b) Loi sur l’administration fiscale, LRQ c A-6.002 (ci-après « LAF »)
[4] Art. 20 al.1 LAF ;
[5] Canada c. Buckingham, 2011 CAF 142, para. 64 ;
[6] Art. 24.0.2. LAF ;
[7] Gilbert c. Agence du revenu du Québec, 2018 QCCA 1792
[8] Id. para 30 ;
[9] Id.
[10] Custodio c. Agence du revenu du Québec, 2020 QCCQ 444, para. 28 ;
[11] Beaudouin c. Agence du Revenu du Québec, 2020 QCCQ 1036, para. 59 ;
[12] Art. 24.0.2. LAF ;
[13] Montplaisir c. Agence du revenu du Québec, 2016 QCCQ 721, paragr. 26 ;
[14] Custodio c. Agence du revenu du Québec, 2020 QCCQ 444, para 33 ;
[15] Stéphane ROUSSEAU, Gabriel FAURE et Nadia SMAILI, La responsabilité civile des administrateurs pour les retenues à la source : une étude de la défense de diligence raisonnable en matière fiscale (2013-2014) 45 R. D. Ottawa 441 à 494 ;