Lorsqu’un couple se divorce, les époux doivent procéder au partage du patrimoine familial qui est notamment composé de la résidence familiale et des « les droits accumulés durant le mariage au titre d’un régime de retraite », tel que les RÉER ou les fonds de pension. Il n’est pas rare qu’un des époux propose d’offrir la résidence familiale à l’autre époux conditionnellement à ce qu’il puisse conserver ses RÉER lorsque ces actifs affichent des valeurs équivalentes. Pourtant, les impacts fiscaux occasionneront un important déséquilibre quant à la valeur nette pour les époux.
Ainsi, le présent article vise à expliquer pourquoi une résidence familiale qui a une valeur nette de 100 000,00 $ n’équivaut pas à un RÉER de 100 000,00 $
Le patrimoine familial
Le patrimoine familial est composé des résidences de la famille ou les droits qui en confèrent l’usage, des meubles qui les garnissent ou les ornent et qui servent à l’usage du ménage, des véhicules automobiles utilisés pour les déplacements de la famille et des droits accumulés durant le mariage au titre d’un régime de retraite:
415. Le patrimoine familial est constitué des biens suivants dont l’un ou l’autre des époux est propriétaire: les résidences de la famille ou les droits qui en confèrent l’usage, les meubles qui les garnissent ou les ornent et qui servent à l’usage du ménage, les véhicules automobiles utilisés pour les déplacements de la famille et les droits accumulés durant le mariage au titre d’un régime de retraite. Le versement de cotisations au titre d’un régime de retraite emporte accumulation de droits au titre de ce régime; il en est de même de la prestation de services reconnus aux termes d’un régime de retraite.
Code civil du Québec, RLRQ c CCQ-1991, art 415 http://canlii.ca/t/6cbln#art415
L’article 416 du Code civil du Québec prévoit que la valeur nette du patrimoine familial doit être divisée à parts égales entre les époux:
416. En cas de séparation de corps, de dissolution ou de nullité du mariage, la valeur du patrimoine familial des époux, déduction faite des dettes contractées pour l’acquisition, l’amélioration, l’entretien ou la conservation des biens qui le constituent, est divisée à parts égales, entre les époux ou entre l’époux survivant et les héritiers, selon le cas.
Code civil du Québec, RLRQ c CCQ-1991, art 416 http://canlii.ca/t/6cbln#art416
Ainsi, les époux doivent partager la valeur nette des actifs qui composent le patrimoine familial.
Il est important de souligner que le patrimoine familial ne crée aucun droit de propriété. Ainsi, si la résidence familiale a été acquise par l’un des époux durant le mariage, cet époux conservera la propriété de ladite résidence lors du divorce. Cependant, il devra partager la valeur nette de résidence avec l’autre époux.
L’impact fiscal sur la résidence familiale
La résidence familiale est exempte de l’impôt sur le gain en capital. Généralement, les époux peuvent postuler qu’aucun impact fiscal n’est applicable sur la disposition totale ou partielle de cette propriété :
Lorsque vous vendez votre résidence ou que vous êtes considéré l’avoir vendue, vous n’êtes généralement pas tenu de payer d’impôt sur un gain tiré de la vente, en raison de l’exemption pour résidence principale. Ceci est le cas si le bien a exclusivement été votre résidence principale pendant chaque année où vous en étiez le propriétaire.
Gains en capital – 2019, Agence du revenu du Canada, T4037(F) Rév. 19,
En ligne: https://www.canada.ca/fr/agence-revenu/services/formulaires-publications/publications/t4037/gains-capital.html#P4348_188184
Même si la disposition de la résidence familiale n’est pas assujettie à un impact fiscal, cet actif peut cependant faire l’objet de déductions, telles que les déductions pour les dépenses conservatoires à l’immeuble ou d’autres apports exclus du patrimoine familial. Ces déductions ne sont traitées par le présent article.
Ainsi et sans égard aux déductions, une résidence familiale qui a une valeur nette de 300 000,00 $ conserve cette valeur après impôts.
L’impact fiscal sur les RÉÉR
À l’opposé, l’époux qui choisira de conserver ses RÉER, en contrepartie de la résidence familiale, aura nécessairement un impact fiscal au moment où il choisira de décaisser cet investissement.
Au moment d’une séparation, cet impact sera difficilement quantifiable puisqu’il dépendra du palier d’imposition applicable à l’époux qui décaissera ses REER. Cette situation est d’autant plus complexe par le fait que les REER ainsi que la résidence familiale offriront des rendements différents et que ces rendements devraient nécessairement être évalués dans le cadre d’un partage égal lors d’un divorce.
Heureusement, les avocats et fiscalistes matrimoniaux ont développé plusieurs méthodes fondées sur les projections de revenus des époux qui permettent aux parties d’évaluer les rendements et impacts fiscaux futurs lors du partage du patrimoine familial afin de parvenir à un partage équitable.
Ainsi, un RÉER d’une valeur de 300 000,00 $ lors du divorce sera nécessairement diminué par l’impact fiscal lors de son décaissement. Cependant, ce placement aura pris de la valeur avec le temps après le divorce ce qui rend la comparaison ardue.
Conclusion
En conclusion, les parties peuvent choisir de conserver un actif libre d’impôt (telle que la résidence familiale) pour un actif imposable (tel que les REER). Cependant, l’évaluation pour parvenir à un partage égal conformément à l’article 416 C.c.Q. demeure une étape complexe qui nécessitera une preuve d’expertise dans le cas d’un dossier contesté.
Afin d’assurer un partage égal, les époux ont nécessairement intérêt à ne pas confondre leurs actifs imposables avec ceux non imposables afin d’éviter un partage inégal du patrimoine familial.
Pour de plus amples informations sur le partage du patrimoine familial, dont le partage de la résidence familiale et des RÉER, n’hésitez pas à nous contacter au numéro sans frais au 1-877-826-6080.
Nicolas Archambault, avocat
JURISEO AVOCATS
narchambault@juriseo.ca