Cassandre est âgée de 17 ans. Elle vient de terminer ses études secondaires avec succès et elle entend poursuivre ses études au Cegep. Depuis la fin de l’année scolaire, Cassandre travaille à la fruiterie à temps complet jusqu’à la rentrée scolaire. Elle maintiendra son lien d’emploi par la suite en travaillant quelques heures par semaine, le soir ou le week-end.
Cassandre désire s’acheter une voiture pour se rendre au Cegep et fait donc des économies en conséquence. Alors qu’elle a trouvé la voiture de ses rêves, les économies qu’elle a amassées au cours de l’été sont insuffisantes et elle doit financer son achat.
Comme Cassandre est à son premier emprunt, le « Prêteur » peut requérir qu’une personne la cautionne. Cette dernière, embêtée par la situation, demande à son père François de la cautionner.
François hésite un moment, se demandant quelles sont ses obligations comme caution ?
Tout d’abord, François doit savoir qu’une « Caution » est une « personne qui s’engage envers le créancier à remplir l’obligation contractée par le débiteur dans le cas où celui-ci n’y satisferait pas. »[1]
Le terme Caution ne doit pas être confondu avec le terme « endossement » signifiant « Signature au dos d’un effet de commerce qui a généralement pour effet d’en transférer la propriété à un tiers et d’ordonner au débiteur d’effectuer le paiement à celui-ci.» et qui est parfois entendu dans le langage courant pour cautionner une personne[2].
Par le « Contrat » de cautionnement, François s’engage contractuellement avec le Prêteur à respecter les obligations de Cassandre en cas de défaut par cette dernière[3].
Autrement dit, si Cassandre perd son emploi ou gère mal ses finances et cesse de rembourser son prêt, François devra répondre des obligations de Cassandre jusqu’à concurrence du prêt consenti[4].
Également, le Contrat de cautionnement est à prendre au sérieux car si François fait défaut de respecter son engagement de répondre des obligations de Cassandre, il met en gage ses biens, meubles et immeubles[5] jusqu’à concurrence du prêt bien entendu.
François se demande alors si le prêteur pourrait le nommer Caution sans qu’il ait donné formellement son accord ?
Comme le Contrat implique de palier au défaut du débiteur, pour être valable, il doit répondre à certaines conditions, sous peine d’être annulé par le tribunal[6].
D’abord, le contrat de cautionnement obéit aux règles générales de tous les contrats[7] et la bonne foi doit gouverner le comportement des parties[8].
Concernant François, il s’agit d’un cautionnement conventionnel[9] donc les parties sont libres de prévoir les modalités du cautionnement dans les mesures prévues par la loi[10].
Une jurisprudence constante confirme que le Contrat doit être clair, non équivoque et identifier le « cautionnement » en terme exprès[11]. En effet, le cautionnement ne se présume pas[12].
Aussi, le cautionnement doit être « exempt de vice de consentement (1398 à 1409 C.c.Q.) »[13]. La Caution doit avoir la volonté de s’engager envers le Prêteur, et ce, sans équivoque.
Donc, la volonté de François doit être manifeste et le caractère exprès du cautionnement s’apprécie selon le contexte dans lequel il est exigé, le cas échéant, un prêt personnel consenti à Cassandre, sa fille, pour l’achat de sa première voiture.
Pour ce faire, le Prêteur a une obligation de renseignement à l’endroit de la Caution[14].
Mais également, il incombe à la Caution de s’informer auprès de la banque avant un tel engagement, comme le mentionne l’honorable Paul Jolin j.c.s. dans l’affaire Courtemanche [15]:
31 Par ailleurs il convient de souligner qu’il incombe à une personne qui contracte une obligation de se renseigner et de voir à prendre certaines précautions avant de s’engager. Dans un arrêt plus récent3 l’honorable juge Charles Gonthier soulignait d’ailleurs que:
…qu’il ne faut pas donner à l’obligation de renseignement une portée telle qu’elle écarterait l’obligation fondamentale qui est faite à chacun de se renseigner et de veiller prudemment à la conduite de ses affaires.
L’étendue de ce devoir peut certes varier selon les individus et les circonstances, selon qu’une personne est rompue ou non aux affaires, selon qu’elle avait ou non la possibilité de se renseigner, mais il n’en reste pas moins qu’elle doit exercer un certain degré de prudence avant de s’engager.
Ainsi, la Cour a déterminé dans l’affaire Dubé et Loiselle inc.[16] que le cautionnement était exprès lorsque la clause est claire et que l’acceptation par la Caution a fait l’objet d’une signature distincte.
Donc dans les circonstances, si François se porte caution de Cassandre, il devrait impérativement s’informer auprès du Prêteur de la nature des obligations contractées par Cassandre et le Prêteur aurait tout intérêt d’exiger de François, une signature distincte du contrat principal.
Jean-François Vachon, avocat
Juriseo Avocats, Terrebonne (Québec)
jfvachon@juriseo.ca
[1] https://dictionnairereid.caij.qc.ca/recherche#q=caution&t=edictionnaire&sort=relevancy&m=search et Art. 2333 C.c.Q. ;
[2]https://dictionnairereid.caij.qc.ca/recherche#q=endossement%20&t=edictionnaire&sort=relevancy&m=search ;
[3] Art. 2346 C.c.Q. ;
[4] Art. 2341 C.c.Q. ;
[5] Art. 2645 C.c.Q. ;
[6] Service Alimentaire Gordon Canada Ltd c. Nancy Palombaro, 2018 QCCQ 1022
[7] Art. 1377 et ss. C.c.Q. ;
[8] Art. 1375 C.c.Q. ;
[9] Art. 2334 C.c.Q. ;
[10] Art. 2333 à 2366 C.c.Q. ;
[11] Service Alimentaire Gordon Canada Ltd préc. note 5 ;
[12] Art. 2335 C.c.Q. ;
[13] Jean-Pierre Bousquet, « Les notions générales » dans collection de droit 2017-2018, École du Barreau du Québec, vol.6, Le Contrat de cautionnement, Montréal, Barreau du Québec, 2017, P. 356 ;
[14] Art. 2345 C.c.Q. ;
[15] Banque Nationale du Canada c. Courtemanche, J.E. 94-390 (C.S.)
[16] Dubé & Loiselle inc. c. Pâtisserie française Duc de Lorraine 1952 inc., 2014 QCCS 4 ;