Est-il préférable d’inclure une clause de financement dans une promesse d’achat pour un immeuble? C’est ce qu’ont appris à leur dépend deux individus dans un litige récent les opposant à un propriétaire.
Situation factuelle
Dans l’affaire en question[1], la codéfenderesse perd son emploi deux semaines avant la signature de l’acte de vente d’une maison. Lorsqu’elle en informe la Caisse, cette dernière lui retire son financement pré-approuvé relativement à l’acquisition de la résidence[2].
Les défendeurs considèrent dès lors que leur promesse d’achat est nulle et non avenue, ce que conteste la demanderesse (la vendeuse). En ce sens, elle réclame aux défendeurs la balance du prix de vente à une autre personne, des dépenses afférentes ainsi que des dommages pour troubles et inconvénients[3].
Droit applicable
Dans leur promesse d’achat, les défendeurs n’ont pris que deux engagements envers la demanderesse[4] :
1) prendre de bonne foi et aussitôt que possible les mesures nécessaires pour obtenir un prêt de 448 000,00 $;
2) transmettre, dans les dix-huit jours de l’acceptation de la promesse d’achat, une copie de l’engagement d’un prêteur de leur accorder un prêt selon les modalités spécifiées dans la promesse d’achat.
Une fois ces deux engagements souscrits, qui ne font pas du financement une condition d’achat, il y a donc lieu de croire que la vente peut suivre son cours.
L’honorable Luc Huppé, j.c.q. chargé de rendre la décision, note également que « lorsque les parties rendent [la] promesse d’achat conditionnelle, elles le font en des termes clairs »[5], notamment lorsqu’il est question d’inspection de l’immeuble et d’examen de documents. Et puisqu’en vertu de l’article 1427 du Code civil du Québec[6], les clauses d’un contrat s’interprètent les unes avec les autres, le tribunal ne peut conclure à une condition tacite voulant que les défendeurs doivent absolument obtenir un financement afin de procéder à l’acquisition de l’immeuble[7].
Dans le présent cas, les défendeurs ont donc laissé entendre à la demanderesse que la Caisse allait financer l’achat, ce qui constitue en soi une promesse du fait d’autrui. Or, puisque le Caisse ne s’est pas exécuté, ce sont les promettants, en l’occurrence les défendeurs, qui engagent leur responsabilité contractuelle[8].
Exonération possible?
En l’espèce, la lettre de financement que les défendeurs ont fourni à la demanderesse, conformément à leur deuxième engagement, ne contenait aucune condition. La demanderesse pouvait donc raisonnablement conclure que les défendeurs avaient les moyens de faire l’acquisition de l’immeuble et ainsi mettre en branle les démarches relatives à la vente[9].
Toutefois, il faut ici noter que la jurisprudence est claire en ce qui a trait à une lettre de financement qui contient des conditions et qui est fournie au vendeur permettant au promettant acheteur de s’exonérer en cas d’imprévu[10].
Dommages
Pour tous les motifs exprimés précédemment, le juge conclut au non-respect par les défendeurs de la promesse d’achat, ce qui engage leur responsabilité contractuelle au sens de l’article 1458 du Code civil du Québec[11].
Dans cet état esprit, le Tribunal octroie donc à la demanderesse une somme de 11 458,87 $ pour la balance du prix de vente et un montant de 2 000,00 $ pour trouble et inconvénients (stress, emballage et déballage d’objets, etc.)[12].
Gabriel Roussin-Léveillée, étudiant en droit
Juriseo Avocats
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[1] Lombardo c. Rizzo, 2019 QCCQ 6527.
[2] Id., par. 1.
[3] Id., par. 1 et 2.
[4] Id., par. 40.
[5] Id., par. 36.
[6] Code civil du Québec, RLRQ, c. CCQ-1990 (ci-après « C.c.Q. »), art. 1427.
[7] Lombardo c. Rizzo, préc., note 1, par. 37.; Art. 1443 C.c.Q.
[8] Id., par. 37-39.
[9] Id., par. 44.
[10] Robitaille c. Ranger, 2010 QCCQ 6256; Laliberté c. Tremblay, 2015 QCCQ 5013; Thibault c. Lalonde, 2018 QCCQ 6789; Bégin c. Laliberté, 2019 QCCQ 1133.
[11] Lombardo c. Rizzo, préc., note 1, par. 61.; Art. 1458 C.c.Q.
[12] Lombardo c. Rizzo, préc., note 1, par. 63, 84 et 86.