La Cour d’appel a ramené la Cour du Québec à l’ordre dans un récent jugement en matière de novation par substitution de débiteur[1].
Dans l’affaire en question, un propriétaire immobilier signe un bail avec un franchisé de la bannière UPS Store dans le courant de l’année 2007[2].
L’entreprise MBEC, qui s’avère être le franchiseur de la marque UPS Store, signe une clause de novation prévue au paragraphe (b) dudit bail indiquant qu’elle pourra devenir la locataire et ainsi substituer au franchisé dans l’éventualité où le contrat de franchise ne serait plus en vigueur pour quelque raison que ce soit. La clause prévoit également que si une telle situation survient, MBEC devra envoyer un avis écrit au propriétaire de l’immeuble afin de nover[3].
Le bail contient au surplus une autre clause (paragraphe (d)) stipulant que MBEC pourra occuper les locaux en cas d’abandon par le franchisé initial en s’acquittant du loyer, dans l’attente de trouver un nouveau franchisé. Cette clause mentionne d’ailleurs explicitement que si une telle conjoncture survient, elle n’aura pas pour effet de rendre pour autant MBEC locataire des lieux. Aucune novation ne serait donc opérée[4].
Or, en 2008, le franchisé initial cède son bail à un nouveau franchisé. Ce dernier capitule quelques années plus tard, soit en 2013, sans qu’un nouveau franchisé ait été trouvé[5].
Pendant plusieurs mois, MBEC exerce ainsi son droit prévu au paragraphe (d) du bail par le biais d’une de ses filiales avant de trouver un troisième franchisé en mai 2014. Quelques mois plus tard, ce troisième locataire abandonne à son tour les locaux et arrête de payer[6].
Encore une fois, MBEC a recours au paragraphe (d) du bail et paie le loyer pendant quelques mois, sans toutefois réussir à trouver un nouveau franchisé. L’entreprise finit par arrêter les paiements du loyer, ce qui leur vaut réception d’une mise en demeure de la part du nouveau propriétaire, qui leur réclame les arrérages de loyers ainsi que les loyers à venir jusqu’au terme du bail. MBEC recommence à ce moment à payer les loyers, pour « réarrêter » quelques mois plus tard. Des procédures judiciaires sont ainsi entreprises par le propriétaire de l’immeuble[7].
Le juge de première instance conclut à une novation tacite par MBEC. L’entreprise serait donc devenue la locataire en substituant les droits du troisième franchisé et devrait en conséquence payer les arrérages de loyers et les loyers futurs[8].
Dans sa décision unanime, la Cour d’appel du Québec vient toutefois renverser le jugement de première instance.
En effet, selon le plus haut tribunal provincial, l’avis écrit prévu à la clause (b) du bail est une condition sine qua non à la novation. Puisque MBEC n’a jamais envoyé d’avis écrit à l’ancien, ni au nouveau propriétaire, la novation n’a donc pas eu lieu et l’entreprise n’est jamais devenue locataire[9].
Au surplus, il appert d’un témoignage non contredit que MBEC et le nouveau propriétaire de l’immeuble ont convenu oralement que l’entreprise allait occuper les lieux en attendant de trouver de nouveaux franchisés, sans toutefois nover. C’est ce qui justifie le paiement du loyer par une filiale de MBEC pendant plusieurs mois[10].
Dans cette optique, il est loin d’être apparent selon les juges de la Cour d’appel que MBEC avait une intention évidente de nover[11] et puisque la novation ne se présume pas[12], il faut en conclure que l’entreprise n’a jamais substitué le troisième franchisé dans ses droits de locataire et n’a ainsi pas à payer ni les arrérages de loyers, ni les loyers futurs.
Gabriel Roussin-Léveillée, étudiant en droit
Juriseo Avocats
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[1] MBEC Communications inc. c. Groupe Damco inc., 2019 QCCA 1884.
[2] Id., par. 4.
[3] Id., par.5
[4] Id.
[5] Id., par. 6 et 7.
[6] Id., par. 7 et 8.
[7] Id., par. 10 à 15.
[8] Id., par. 16 et 18.
[9] Id., par. 20.
[10] Id., par. 21-25.
[11] Id., par. 27.
[12] Code civil du Québec, RLRQ, c. CCQ-1991, art. 1661.