Il est impensable d’aborder le sujet mentionné en en-tête sans parler du droit à la vie privée, d’ailleurs codifié aux articles 3 et 35 du Code civil du Québec[1] ainsi qu’à l’article 5 de la Charte des droits et libertés de la personne[2].
Il s’agit effectivement d’une notion importante en la matière puisqu’il est prévu à l’article 2858 du Code civil du Québec que « tout élément de preuve obtenu dans des conditions qui portent atteinte aux droits et libertés fondamentaux et dont l’utilisation est susceptible de déconsidérer l’administration de la justice [doit être rejeté] »[3]. C’est donc qu’un enregistrement capté dans des conditions qui violent la vie privée d’un individu et qui déconsidèrent l’administration de la justice ne peut être admis en preuve.
Mais enregistrer un individu à son insu constitue-t-il toujours une violation de la vie privée? Les tribunaux ont répondu à cette question par la négative.
Partie à la conversation
Dans la grande majorité des cas, la jurisprudence est d’avis que si la partie qui veut déposer l’enregistrement en preuve prend part à la discussion, il n’y a pas d’atteinte à la vie privée[4].
Puisque dans de telles circonstances, aucun droit n’a été violé, l’article 2858 du Code civil du Québec[5] ne trouve pas application et la preuve sera donc recevable.
Partie tierce à la conversation
Qu’en est-il si la partie qui entend invoquer l’enregistrement ne participait pas activement à la discussion? La Cour d’appel du Québec s’est penchée sur cette interrogation dans l’arrêt Srivastana c. Hindu Mission of Canada (Quebec) Inc.[6] pour en venir à la conclusion que dans ces conditions, il y avait atteinte à la vie privée.
La preuve ne pourra donc être recevable que si elle ne considère pas l’administration de la justice. Selon l’auteur Ducharme, ce sera le cas si « le droit à la vie privée l’emporte sur le droit à la vérité »[7].
Bien que dans la plupart des situations, l’administration de la justice sera déconsidérée et la preuve rejetée lorsque la partie ne prend pas part à la discussion, ce n’est pas toujours le cas. À titre d’exemple, la Cour supérieure a déjà autorisé la production d’un enregistrement déposé par une mère et dont l’objet était une discussion dans laquelle un père avouait à une autre personne qu’il torturait psychologiquement son fils[8].
Somme toute, il faut en conclure que si une partie prend part à une conversation et l’enregistre, elle pourra plus souvent qu’autrement produire l’enregistrement alors que si elle était une partie tierce à la discussion, la bande audio sera en règle générale irrecevable.
Gabriel Roussin-Léveillée, étudiant en droit
Juriseo Avocats
227, boul. des Braves, suite 201
Terrebonne (Québec) J6W 3H6
www.juriseo.ca | 1-877-826-6080
[1] Code civil du Québec, RLRQ, c. CCQ-1990 (ci-après « C.c.Q. »), art. 3 et 35.
[2] Charte des droits et libertés de la personne, RLRQ, c. C-12, art. 5.
[3] Art. 2858 C.c.Q.
[4] Gordonica Ltd. c. Provigo Distribution inc., [2001] R.J.Q. (C.S.); H.(C) c. L.(D)., 2001 R.D.F. 821 (QCCS).
[5] Préc., note 3.
[6] Srivastana c. Hindu Mission of Canada (Quebec) Inc., [2001] R.J.Q. 1111 (C.A.).
[7] Léo DUCHARME, Précis de la preuve civile, 6e éd., Montréal, Wilson & Lafleur, 2005, par. 158.
[8] Droit de la famille – 2474, [1996] R.D.F. 612 (QCCS).