Outre le divorce, il est possible pour un époux de demander la nullité du mariage si les formalités requises par la Loi n’ont pas été suivies. L’impact d’une annulation n’est pas le même qu’une simple dissolution : dans le premier cas, le mariage est réputé n’avoir jamais existé. Les règles relatives au partage du patrimoine familial, à la liquidation du régime matrimonial et à la pension alimentaire peuvent donc différer de celles applicables au divorce en fonction de plusieurs facteurs, notamment la bonne foi des époux et la discrétion que peut exercer le tribunal à certains égards[1].
Il faut toutefois noter que les époux doivent exercer leur demande en nullité dans les trois ans suivant la célébration du mariage, sauf si l’ordre public est en cause, auquel cas ils peuvent introduire leur recours ad vitam aeternam[2].
Dans une cause récente[3], une dame demande l’annulation de son mariage sous prétexte que son mari s’est marié sous un faux nom. Son recours étant introduit plus de trois ans après la célébration du mariage, elle doit démontrer que l’ordre public est en cause[4].
Or, monsieur affirme que madame connaissait son vrai nom et qu’il a emprunté une fausse identité et s’est marié sous cette dernière afin de laisser le moins de traces possible dans le but d’échapper à la justice américaine. Madame avoue d’ailleurs qu’elle était au courant[5].
De l’avis du Tribunal, le fait que madame connaissait le vrai nom de monsieur suffit à ce que l’ordre public ne soit pas en cause. Le recours est donc jugé prescrit[6].
L’honorable Chantal Chatelain, chargée de rendre la décision, note également la chose suivante au paragraphe 25 de la décision: « Ayant elle-même participé à l’état de fait dont elle se plaint aujourd’hui, [madame] ne peut invoquer [ladite] situation pour demander la nullité du mariage »[7].
Elle met ainsi en avant le principe selon lequel les justiciables ne doivent pas tirer profit d’une situation délicate à laquelle ils ont contribué.
Se marier sous un faux nom à la connaissance de l’autre époux n’est donc pas contraire à l’ordre public. Mais qu’en est-il lorsque le conjoint ignore l’identité réelle de sa douce moitié? Les tribunaux ne semblent pas avoir tranché cette question puisqu’aucune cause en ce sens ne leur a été soumise à ce jour.
Gabriel Roussin-Léveillée, étudiant en droit
Juriseo Avocats
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[1] Code civil du Québec, RLRQ, c. CCQ-1991, art. 381-390.
[2] Id, art. 380(2).
[3] Droit de la famille – 192194, 2019 QCCS 4541.
[4] Id, par. 7.
[5] Id, par. 22 et 23.
[6] Id, par. 28.
[7] Id, par. 25.