Dans la décision Parc Omega inc. et Ivall, le Tribunal administratif du travail se penche sur l’admissibilité en preuve de messages Facebook interceptés par une tierce personne à l’insu des leurs auteurs.
Cette affaire débute par une demande de contestation d’une décision de la CSST devant le Tribunal administratif du Travail. Lors du contre-interrogatoire d’un témoin de l’employeur, la représentante de la travailleuse demande à déposer en preuve des messages Facebook envoyés à trois personnes, mais ayant été interceptés par la travailleuse.
La travailleuse avait eu accès aux messages car le témoin, Mme Roy, empruntait à certains moments la tablette de la travailleuse, et se connectait sur Facebook avec celle-ci. En ouvrant plus tard sa tablette, la travailleuse se rend compte que le compte Facebook de Mme Roy est resté ouvert. En voyant que certaines conversations parlent d’elle par les courts extraits visibles, la travailleuse ouvre les conversations en question et en fait une capture d’écran.
L’employeur s’objecte au dépôt en preuve des messages, plaidant que la preuve est irrecevable car elle porte atteinte droit à la vie privée du témoin, droit notamment protégé par l’article 5 de la Charte des droits et libertés de la personne, et déconsidère l’administration de la justice, tel que proscrit par l’article 11 de la Loi sur la justice administrative et l’article 2858 du Code civil du Québec :
11. L’organisme est maître, dans le cadre de la loi, de la conduite de l’audience. Il doit mener les débats avec souplesse et de façon à faire apparaître le droit et à en assurer la sanction.
Il décide de la recevabilité des éléments et des moyens de preuve et il peut, à cette fin, suivre les règles ordinaires de la preuve en matière civile. Il doit toutefois, même d’office, rejeter tout élément de preuve obtenu dans des conditions qui portent atteinte aux droits et libertés fondamentaux et dont l’utilisation est susceptible de déconsidérer l’administration de la justice. L’utilisation d’une preuve obtenue par la violation du droit au respect du secret professionnel est réputée déconsidérer l’administration de la justice.
2858. Le tribunal doit, même d’office, rejeter tout élément de preuve obtenu dans des conditions qui portent atteinte aux droits et libertés fondamentaux et dont l’utilisation est susceptible de déconsidérer l’administration de la justice.
Il n’est pas tenu compte de ce dernier critère lorsqu’il s’agit d’une violation du droit au respect du secret professionnel.
Le Tribunal ne retiendra cependant pas cet argument, soulignant que Mme Roy, en utilisant la tablette de la travailleuse, ne pouvait avoir d’expectative de vie privée par rapport à ses conversations Facebook, et que c’est par sa propre insouciance que la travailleuse a pu y avoir accès :
[37] La représentante de l’employeur semble confondre une interception illégale avec une interception qu’elle juge malhonnête. Or, selon la preuve entendue, la travailleuse n’a utilisé aucun stratagème ni commis aucune infraction pour avoir accès au compte Facebook de madame Roy.
[38] Il ne revient pas au Tribunal de juger de la moralité ou non de cette interception, comme il l’a rappelé aux parties à l’audience.
[39] Compte tenu du témoignage de madame Roy, le Tribunal ne peut que conclure que celle-ci ne pouvait entretenir une expectative de vie privée en utilisant l’application Facebook, de surcroît lorsqu’elle ouvre son compte Facebook sur la tablette de la travailleuse et sans prendre les moyens nécessaires pour le fermer de façon sécuritaire.
Le Tribunal admettra donc les messages en preuve, sans toutefois se prononcer sur la valeur probante et la pertinence de ces conversations.
La décision est disponible ici.