Des propos injurieux ont été lancés contre vous par la voie des réseaux sociaux. Des photos compromettantes ont été publiées sans votre accord. Votre réputation est gravement atteinte par des propos diffamatoires, affectant toutes les sphères de votre vie. Une fois le caractère fautif et diffamatoire de ces actions établi, comment, cependant, pouvez-vous évaluer les dommages que l’on vous doit? Comment évaluer la valeur d’une attaque intangible ?
Les tribunaux ont maintes fois eu à s’attaquer à cette question épineuse. Évidemment, l’évaluation des dommages en matière de diffamation dépendra inévitablement du contexte et de la gravité des gestes posés, tel que le souligne la Cour supérieure dans la cause Corriveau c. Canoe inc. :
[56] Tel que l’affirme avec justesse le juge Alain dans la décision Chiasson c. Fillion, il est difficile de quantifier le préjudice résultant d’une « blessure profonde à l’âme de l’être humain affecté au plus profond de lui-même ».
[57] La discrétion judiciaire est omniprésente lorsqu’il s’agit de déterminer les montants à accorder pour des dommages moraux. Même si chaque cas en est un d’espèce, le système judiciaire requiert que des cas semblables soient traités de façon similaire. […]
Corriveau c. Canoë inc., 2010 QCCS 3396
L’évaluation des dommages passera donc nécessairement par une comparaison des différentes indemnités ayant déjà été attribuées par les tribunaux dans des situations similaires à celle qui vous occupe. Une similarité dans les faits et dans la gravité des répercussions est à favoriser pour estimer adéquatement les dommages qui peuvent éventuellement être réclamés.
Certains critères pourront être soupesés par le juge dans l’évaluation des dommages attribuables, notamment :
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la gravité et la crédibilité des propos : en effet, si les propos sont exagérés au point d’être invraisemblables, la réputation de la victime sera moins atteinte que celle d’une victime de commentaires moins graves, mais extrêmement crédibles[1] ;
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l’ampleur de la diffusion et la durée de cette diffusion dans le temps : si on retrouve les propos sur plusieurs sites web, par exemple, les dommages seront aggravés[2] ;
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le statut social de la victime : plus la personne est connue, plus l’atteinte à sa réputation risque d’avoir des répercussions aggravantes[3] ;
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l’identité de la personne à l’origine de la diffamation : une personne ayant une grande notoriété, par exemple un journaliste connu, risque de causer plus de dommages par ses propos qu’un commentateur anonyme sur les réseaux sociaux[4] ;
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l’existence d’excuses ou de tentatives de rétractation de la part de l’auteur des éléments diffamatoires[5].
Les dommages octroyés se divisent en deux catégories : les dommages-intérêts compensatoires, qui visent à compenser les véritables dommages subis par la victime de diffamation, et les dommages-intérêts punitifs, qui peuvent être octroyés de façon à décourager la récidive, et qui ne sont pas associés à une perte pour la victime.
Analysons quelques exemples de dommages ayant été octroyés en matière de diffamation :
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Dans l’affaire Ward c. Labelle, 2011 QCCS 675, la Cour supérieure accorde 5 000 $ de dommages compensatoires et 5 000 $ de dommages punitifs pour des propos diffamatoires diffusés sur un blogue qui questionne et dénonce ce que l’auteur estime être des abus de la part d’un politicien;
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Dans la cause Laforest c. Collins, 2012 QCCS 3078, 30 000 $ de dommages compensatoires et 15 000$ de dommages punitifs sont accordés pour la publication en ligne d’un courriel, lequel contient des affirmations fausses, diffamantes et calomnieuses, ainsi que publication de photos de la famille du demandeur;
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Dans Carpentier c. Tremblay, 2013 QCCQ 292, 5 000 $ de dommages compensatoires et 1 500 $ de dommages punitifs sont accordés suite à la diffusion d’un photomontage comparant le demandeur à un singe ;
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Dans Lapointe c. Gagnon, 2013 QCCQ 923, 8 000 $ de dommages compensatoires et 3 000 $ de dommages punitifs sont octroyés suite à une campagne de salissage de la part du défendeur, notamment par le biais de la publication de commentaires sur Facebook.
Vraisemblablement, une certaine dose d’incertitude continuera d’exister quant à l’évaluation des dommages relatifs à la diffamation sur le web. Cependant, plus les tribunaux auront l’occasion de se pencher sur ces questions, plus l’évaluation deviendra prévisible et précise.
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Sources :
[1] Tremblay, Gérald R., Combien vaut votre réputation ?, Développements récents sur les abus de droit 2005, en ligne : http://edoctrine.caij.qc.ca/developpementsrecents/231/367111076.
[2] Id.
[3] Id.
[4] Id.
[5] Id.