Le délai de prescription extinctive en matière de diffamation se retrouve à l’article 2929 du Code civil du Québec, où il est expressément prévu que « l’action fondée sur une atteinte à la réputation se prescrit par un an à compter du jour où la connaissance en fut acquise par la personne diffamée ».
Cependant, certaines exceptions s’appliquent à ce délai de rigueur. Dans la décision Bouffard c. Québec, la Procureure générale du Québec invoquait le délai de prescription d’un an contre l’action des demandeurs Bouffard, qui réclamaient plusieurs dommages suite au fait que l’Escouade Marteau se soit présentée sur leurs lieux de travail pour les interroger. Les dommages allégués par les demandeurs constituaient notamment en du stress, une perte de sommeil, un sentiment de honte, la prise de médicaments et autres dommages moraux. On y retrouvait également des dommages pour une perte de carrière future, des dommages physiques et psychologiques, une atteinte à la réputation, ainsi que des dommages punitifs et exemplaires, le tout tel qu’il appert de la décision.
En l’occurrence, l’Honorable Pierre-C. Gagnon a jugé que la courte prescription extinctive de l’article 2929 C.c.Q. n’opère que si l’action en justice est fondée exclusivement sur l’atteinte à la réputation des demandeurs. On peut lire, dans la décision :
[57] La courte prescription extinctive de l’article 2929 C.c.Q. n’opère que si l’action en justice est fondée exclusivement sur l’atteinte à la réputation du [demandeur].
Parallèlement, la Cour détermine que plusieurs des chefs précités peuvent faire double emploi et notamment qu’ils ne reflètent que la manifestation des conséquences de l’atteinte à la réputation. À titre d’exemple, le juge se reporte à la perte de sommeil des demandeurs. Il soutient cette affirmation en ces termes :
[65] Rejeter uniquement la réclamation de 50 000 $ pour atteinte à la réputation, en l’isolant des autres, serait donner un coup d’épée dans l’eau, car il se pourrait que le jugement au fond accorde tout de même à chaque demandeur le plein montant de 500 000 $ (ou moins), après les modifications procédurales appropriées.
Plus encore, le juge Gagnon reprend les enseignements de la Cour d’appel dans l’arrêt Filion c. Chiasson qui soulignent que le délai d’un an en matière d’atteinte à la réputation « est inapplicable quand les agissements fautifs débordent l’atteinte à la réputation et comportent d’autres facettes indissociables, dont l’intégrité physique, la dignité, la vie professionnelle et la vie privée des victimes alléguées. ».
Pour ces motifs, le tribunal a rejeté le moyen de prescription extinctive, ce qui confirme la présence d’exception à cette règle.
La décision est disponible ici.