En mars 2023, le gouvernement provincial annonçait une réforme importante du droit de la famille au Québec. Parmi les modifications annoncées, il a été question du cadre législatif applicable à la grossesse pour autrui. En effet, le projet de loi n012 a modifié de façon considérable le droit relatif à la grossesse pour autrui. Derrière ces changements législatifs, des considérations pratiques et éthiques ont été mises de l’avant par le gouvernement. Bien que certains concepts seront éventuellement à préciser par le législateur et les tribunaux, le présent article vise à survoler le droit en matière de grossesse pour autrui.
Formation du projet parental : conditions et formalités requises
Le Code civil du Québec prévoit aux articles 541.1 à 541.37 les diverses règles encadrant la grossesse pour autrui, plus spécifiquement le « projet parental de grossesse pour autrui ». D’abord et avant tout, une personne seule ou des conjoints doivent former un projet parental avec une femme ou une personne qui donnera naissance à l’enfant. Ce projet est formé dès la décision de recourir à une personne tierce pour donner naissance.
Certaines conditions doivent être respectées quant au choix de la personne qui portera l’enfant à naître. Les conditions sont les suivantes1 :
- Être domiciliée au Québec depuis au moins un an2
- Être âgée de 21 ans ou plus
- Aucune combinaison de matériel reproductif n’est possible avec la fratrie, ascendant ou descendant
Contrairement à une certaine croyance populaire et à ce qui est permis aux États-Unis, la personne choisie ne peut être rémunérée à proprement parler pour porter l’enfant. Toutefois, elle aura droit au remboursement de certains frais et à une indemnisation pour la perte de revenus de travail, le cas échéant. Les frais qui peuvent être remboursés sont prévus de façon détaillée par règlement3.
Avant le début de la grossesse, les personnes impliquées au projet parental doivent participer séparément à une rencontre avec un professionnel chargé de les informer des implications psychosociales et des questions éthiques reliées au projet parental. Ils doivent obtenir une attestation signée de la participation à cette rencontre pour poursuivre le projet.
Une fois la rencontre d’information tenue, les parties doivent conclure une convention de grossesse par autrui, et ce, obligatoirement devant notaire. Cette exigence de la loi est nouvelle.
Impossibilité de renoncer à l’établissement de la filiation
La personne qui portera l’enfant ne peut, dans la convention de grossesse pour autrui, renoncer à l’avance à son droit d’exprimer sa volonté d’établir sa filiation avec l’enfant après sa naissance. Son consentement est requis pour que la filiation de l’enfant soit établie avec les parents d’intention, et ce, au moment de sa naissance. Ainsi, il y a toujours une possibilité pour la mère porteuse de revenir sur sa décision initiale de confier l’enfant aux créateurs du projet parental. Ce principe s’inscrit dans le respect du droit à l’autonomie de la femme, celle qui portera l’enfant. La mère porteuse peut donc décider de demeurer le parent de l’enfant, bien que cela n’était pas le plan initial.
Perspectives hors Québec
Le Code civil du Québec prévoit des dispositions spécifiques applicables au projet parental lorsque la personne ayant donné naissance à l’enfant est domiciliée hors du Québec. À ce jour, certaines de ces dispositions ne sont toutefois pas encore en vigueur.
Actuellement, le gouvernement du Québec ne reconnait que les États étrangers suivants : Alberta, Colombie-Britannique, Île-du-Prince-Édouard, Manitoba, Nouvelle-Écosse, Ontario, Saskatchewan. Ainsi, pour le moment, il ne s’agit que de provinces canadiennes. On peut s’attendre à ce que d’autres États soient reconnus dans le futur selon les exigences du gouvernement.
En plus des autres formalités déjà requises par la loi, les parties impliquées doivent également obtenir une autorisation préalable auprès du ministère de la Santé et des Services sociaux. Une fois l’autorisation reçue, une autorisation supplémentaire est requise pour la signature du projet parental et la poursuite de celui-ci. Ainsi, on remarque que les étapes sont beaucoup plus nombreuses lorsque le projet parental implique une personne domiciliée hors du Québec.
Conclusion
Enfin, le projet parental de grossesse pour autrui amène son lot de questions, certaines demeurant parfois sans réponse. Il sera intéressant de suivre l’évolution du droit applicable en la matière, la réforme étant encore très récente. Dans les prochaines années, les tribunaux auront certainement à se pencher sur le sujet et à développer de la jurisprudence. Quoi qu’il en soit considérant la complexité des diverses règles, il est recommandé de rencontrer un conseiller juridique avant d’entreprendre les démarcher pour conclure un projet parental, et ce, afin d’être bien informé des risques et implications.